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  • : Julien Baret de la Roussonnière
  • : itinéraire géographique, historique et humain de l'honnorable Julien Baret de la Roussonnière, le premier Baret de la Réunion.
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  • Tout simplement un agenda perpétuel, autour  de Zamet Baret, vers 1500 à un descendant, Alcide Baret, directeur d'école, et poète.
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3 mars 2013 7 03 /03 /mars /2013 01:00

Au tout début de l'année 1723, la Compagnie des Indes envisage de mettre sur pieds pour l'année suivante une importante expédition à destination des Indes Orientales en vue de ramener toutes sortes de richesses exotiques (1). Elle est placée sous le haut commandement général du Sieur Renault des Boisclairs, un officier de marine prêté par le roi à la Compagnie pour former à la navigation ses officiers et ses équipages. C'est une flotte de cinq vaisseaux totalisant 3260 tonneaux, sur lesquels ont pris place 759 soldats et hommes d'équipage. Elle est composée de deux navires de 600 tonneaux, le Neptune et l'Apollon, de l'Hercule, 750 tonneaux et du Duc de Chartres, le navire amiral. Celui-ci est commandé par des Boisclairs.

 

La frégate la Vierge de Grâce, armée par Monsieur de la Franquerie le Brun, et placée sous le commandement d'un jeune officier de marine de guerre (2), l'enseigne de vaisseau Pardaillan de Gondrin Antoine François (3). Elle aura le rôle très important de servir de bateau de liaison et d'assistance, mais aussi d'apercevoir de loin tout bateau et s'assurer de son identité.

Le Neptune, placé sous le commandement de Etienne Perrier Aimé, est le premier à prendre le départ, le samedi premier janvier 1724(4)  Les quatre autres, n'ayant pas finis les opérations de chargement sont restés à quai jusqu'à la fin du mois. Puis, une fois prêts, ils se sont mis bien à l'abri de chaque coté de l'estuaire en attendant un vent favorable, "Le vent de l'Inde" Ils l'attendront durant sept semaines avant de pouvoir partir, et ensemble le jeudi 24 février.

Ordre est donné aux commandants de se rassembler à Port Bourbon en Ile de France. Soit dans un délai de quatre à cinq mois selon la taille des navires et les péripéties enregistrées. On ignore quelle sera la distance parcourue et la durée du voyage ; tout dépend des courants, des vents, des aléas, du hasard, de la qualité de l'équipage et de l'expérience du capitaine. (5)

Au départ de L'Orient

Après Groix, la Vierge de Grâce poursuit sa route, contourne le redoutable Golfe de Gascogne en longeant les côtes de France, puis celles d'Espagne, du Portugal, passe au large de l'île de Madère, de l'archipel des Açores, et l'archipel des Canaries au bout d'une quinzaine de jours.
Enfin; le vaisseau entre dans la zone des vents permanents du nord-est et reconnaît les îles du Cap vert deux semaines plus tard. Et là ce ne sont que vents contraires, calmes suivis de grains, longs jours de navigation erratique sous un soleil de plomb. Il faut pour le capitaine beaucoup d'habileté et d'expérience. Bien malin celui qui sait exactement où il est : ce n'est qu'en passant le Cap de Bonne Espérance qu'on se repère vraiment. Encore faut il le passer.Certains doivent s'y reprendre à deux ou trois fois, s'ils n'ont pas su se glisser dans les grands vents qui soufflent vers l'est: trop au nord et on a la brise dans le nez : trop au sud et ce sont les tempêtes géantes des quarantièmes rugissants avec des vagues de 16 à 18 mètres de haut. Franchi le cap, le bateau pour l'Extrême-Orient glisse tout penché sur la grosse mer, le long du trentième parallèle. Il ne remontera qu'arrivé en plein cœur de l'Océan Indien, avec un vent de coté, coupant ainsi les alizés du sud est, nettement plus favorables à la navigation (6).  

 Le voyage de la Vierge de Grâce

Le voyage par mer comporte toujours de multiples "fortunes de mer", accidents, naufrages, des actes de mutinerie ou de piraterie, surcharges, incendies, l'éclair, maladies diverses (7)…Nous n'avons pas le journal de bord du voyage, et pour la période qui nous intéresse, il y a peu de récits de traversés, ou de journaux de voyages des navires. Il faut attendre prés d'un demi-siècle, et par conséquent une bien plus grande expérience maritime et certainement des améliorations notoires pour disposer d'un récit fiable sur les conditions de traversées. Le témoin n'est autre que Henry Bernardin de Saint-Pierre, l'auteur de "Paul et Virginie". Dans un ouvrage paru en 1773 sous le titre de "Voyage à l'Ile de France" Bernardin de Saint-Pierre note avec précisions un grand nombre d'observations sur l'embarquement des navires, les difficultés de la traversée, le comportement des hommes, tous les événements quotidiens, l'alimentation, les maladies, l'état de la mer, les animaux rencontrés…etc. Cet écrivain sera notre témoin privilégié.

Nous lui laisserons la plume, toutes les fois qu'il sera nécessaire. On ne peut en effet que s'effacer devant un membre de l'académie française.

Il embarque le 3 mars 1768, en qualité de Capitaine d'infanterie, ingénieur des colonies, sur un navire de 700 à 800 tonneaux, armé de 20 canons, avec un gros équipage de 146 hommes, chargé de matures pour le Bengale. C'est "Le Marquis de Castries", un navire récent de la Compagnie des Indes, construit à Lorient, et mis en service deux ans plus tôt. Ses conditions personnelles de vie à bord ne sont pas des plus malheureuses, puisque mangeant "aux frais du Roy" à la table du capitaine, le Sieur Jean Pallière Christy, et loge dans un réduit en toile dans la grande chambre, c'est à dire la salle à manger réservée à tout l'état major du navire." Il y a quinze passagers, (8) la plupart sont logés dans la sainte-barbe (où l'on met les cartouches et une partie des instruments de l'artillerie). Le maître canonnier a l'inspection de ce poste, et y loge, ainsi que l'écrivain, l'aumônier et le chirurgien major. Au-dessus est la grande chambre, qui est l'appartement commun où l'on mange. Le second étage comprend la chambre du conseil, où communique celle du capitaine. Elle est décorée, au dehors, d'une galerie; c'est la plus belle salle du vaisseau. Les chambres des officiers sont à l'entrée, afin qu'ils puissent veiller aux manœuvres.

Au début, chez tous le moral est au beau, et permet des rencontres facilitant les échanges, mais très rapidement, les esprits s'aigrissent, on se voit, on se rencontre partout mais on ne se parle plus, la médisance commence, la désunion croît ; les tensions sont exacerbées par l'ennui, les matelots sont désœuvrés pendant de longs moments.

Les cuisiniers sont sous le gaillard d'avant, les provisions dans des compartiments au-dessous, les marchandises dans la cale, la soute aux poudres au-dessous de la sainte barbe

Voilà, en gros, l'ordre de notre vaisseau; mais il serait impossible de vous en peindre le désordre. On ne sait où passer, les accidents sont nombreux (9). Ce sont des caisses de vin, de champagne, des coffres, des tonneaux, des malles, des matelots qui jurent, des bestiaux qui mugissent, des oies et des volailles qui piaulent sur les dunettes (10)

Ce vacarme de basse-cour se tait vite : au fil des jours passés en mer, le troupeau diminue sous le couteau du boucher. Puis, la dernière bête sacrifiée-au bout d'à peine un mois de route- on commence à manger de la viande séchée, et ses premiers vers !, après tout le maître d'équipage ne cesse de répéter que c'est de la viande fraîche.  

La vie à bord n'est pas des plus agréables, conditions d'hygiène pitoyables, mauvaise qualité de l'air, eau croupie dans les soutes. Une nourriture écœurante, en quantité restreinte, avec absence de viande, de fruits et légumes frais entrainant une carence en vitamine C, ce qui provoque le scorbut. La boisson consiste en une pinte de vin. D'abord, parce qu'il se conserve mal, du blanc de Nantes, du bon gros rouge languedocien, et pour finir du bordeaux. Sachant que du vin de notre commune de par l'acidité des sols riches en oxyde de fer permettant de supporter de fort longs périples sur routes et par mer se retrouvait dés le XVII° siècle sur les tables de Russie, d'Angleterre et des Pays Bas, qu'il nous soit permis de penser que Julien a dégusté du vin de Saint-Georges d'Orques. L'eau, est limitée elle aussi à une pinte. Elle est conservée dans des futs, appelés "charniers" de quatre cents litres, solidement amarrés sur le pont et placés sous la surveillance, sans faille, d'une sentinelle. Cette eau prend rapidement le gout et la couleur du tanin avec une odeur nauséabonde et devient affreuse, aussi difficile à avaler que la plus forte des médecines. Malgré cela, l'équipage et les soldats consomment avec délice le quart de litre quotidien, le seul rafraichissement mis à sa disposition. Le nom de charnier adopté s'explique donc. On utilise pourtant du bois de charme, considéré comme incorruptible, et les moyens utilisés pour tenter de purifier l'eau sont nombreux, comme par exemple la transvaser d'un fut à un autre pour l'aérer, ou y plonger dedans un fer rougi, ou encore l'exposer sur le pont, afin de lui faire profiter du serein de la nuit. Hélas, rien n'y fait. Quand il faut descendre dans les cales, il est nécessaire d'allumer une chandelle, qui permet de détecter aisément la présence de gaz carbonique, souvent responsable d'accidents mortels .

- - - - - - - - - -  

(1) On pouvait ramener du Bengale, de Surate, de Pondichéry, Ceylan, Maldives, Moluques, toutes sortes de produits : tissus en soies, du coton filé et du coton en laine, des épices (girofle, cannelle, muscade, poivre), des colorants (indigo, gomme gutte), des cires (à cacheter, jaune, blanche), des produits pharmaceutiques (camphre, cachou, séné), des bois (rouge, santal, rotins), du salpêtre pour confectionner la poudre à canon, café, thé, du riz, de l'encens, des porcelaines, des diamants, des perles…

 

(2) de 1719 à 1731, le roi Louis XV a mis à disposition de la Compagnie des Indes un certain nombre de ses meilleurs officiers afin de lui faire profiter de leur grande expérience militaire et maritime.

 

(3) La recherche de données sur le commandant de la Vierge de Grâce s'est avérée extrêmement  difficile, même même en s'adressant au centre  historique de Lorient et aux archives de la Marine à Vincennes. On va supposer qu'il s'agit du chevalier De Pardaillan (10/11/1709- 24/04/1741). Donc, au final, un capitaine de marine, fils de bonne famille, âgé de quinze ans, prêté par le roi

 

(4)  Le Neptune arrivera à Bourbon le samedi 8 juillet et y déposera 70 soldats. 

 

(5)  La Sirène en 1725 fera la traversée en sept mois et Le Royal Philippe en 1728, la fera en cinq mois, Le Duc de Castries, (Henri Bernardin de Saint-Pierre) en 1768 mettra quatre mois et douze  jours, après avoir parcouru prés de 3 800 lieues marines (21 122 km) ou.4700 lieues communes (18 890 km).

 

(6)   La route du retour effectue un crochet vers l'ouest, de façon à contourner les Açores, et à profiter des vents émis par les hautes  pressions sur cet archipel durant l'été et le début de l'automne. Ainsi la Vierge de Grâce a mouillée à la Martinique entre le 9 avril et le 3 mai 1727, alors que d'autres bateaux peuvent rejoindre le Brésil, Grenade ou Louisbourg.

 

 (7)   Le taux de mortalité atteint parfois jusqu'à 20% de l'ensemble de l'équipage et des passagers.

 

 (8)  Sur la Vierge de Grâce ils ne sont que quatre passagers à la table. Le document d'archive étant difficile à 

déchiffrer, il est difficile d'approfondir leur identité.

 

                           - ? Duchery, un commis de la Compagnie des Indes

                           - Le RP Benigner Danex

                           - Le RP Suzerain du Grand Bournand

                           - Le P Bouler Sout et son épouse

                           Et à l'office, la Dame surnommée Texier.

 

       Elle transporte également un détachement de trente six soldats issus de la Compagnie Plantin destiné à renforcer la force militaire de l'ile Bourbon. (bureau des laisser passer de la marine au Port - Louis  du 18/02 1724).

 Il se pourrait que le détachement soit placé sous les ordres de Jean Denis Bouloc.

 

  (9)  Provoqués par le fort encombrement du navire et par des erreurs de manœuvre.

 

(10) Les dunettes sont les parties surélevées et fermées au dessus du gaillard arrière.

 

 

 

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