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  • : Julien Baret de la Roussonnière
  • : itinéraire géographique, historique et humain de l'honnorable Julien Baret de la Roussonnière, le premier Baret de la Réunion.
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  • Tout simplement un agenda perpétuel, autour  de Zamet Baret, vers 1500 à un descendant, Alcide Baret, directeur d'école, et poète.
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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 17:17

La vie à bord n'est pas des plus agréables, conditions d'hygiène pitoyables, mauvaise qualité de l'air, eau croupie dans les soutes. Une nourriture écœurante, en quantité restreinte, avec absence de viande, de fruits et légumes frais entrainant une carence en vitamine C, ce qui provoque le scorbut. La boisson consiste en une pinte de vin. D'abord, parce qu'il se conserve mal, du blanc de Nantes, du bon gros rouge languedocien, et pour finir du bordeaux. Sachant que du vin de notre commune de par l'acidité des sols riches en oxyde de fer permettant de supporter de fort longs périples sur routes et par mer se retrouvait dés le XVII° siècle sur les tables de Russie, d'Angleterre et des Pays Bas, qu'il nous soit permis de penser que Julien a dégusté du vin de Saint-Georges d'Orques. L'eau, est limitée elle aussi à une pinte. Elle est conservée dans des futs, appelés "charniers" de quatre cents litres, solidement amarrés sur le pont et placés sous la surveillance, sans faille, d'une sentinelle. Cette eau prend rapidement le gout et la couleur du tanin avec une odeur nauséabonde et devient affreuse, aussi difficile à avaler que la plus forte des médecines. Malgré cela, l'équipage et les soldats consomment avec délice le quart de litre quotidien, le seul rafraichissement mis à sa disposition. Le nom de charnier adopté s'explique donc. On utilise pourtant du bois de charme, considéré comme incorruptible, et les moyens utilisés pour tenter de purifier l'eau sont nombreux, comme par exemple la transvaser d'un fut à un autre pour l'aérer, ou y plonger dedans un fer rougi, ou encore l'exposer sur le pont, afin de lui faire profiter du serein de la nuit. Hélas, rien n'y fait. Quand il faut descendre dans les cales, il est nécessaire d'allumer une chandelle, qui permet de détecter aisément la présence de gaz carbonique, souvent responsable d'accidents mortels.

 

Au bout de cinq mois de navigation, excepté les officiers, beaucoup ont perdu la notion du temps, on est à mi-juillet. Depuis le lever du soleil tout le monde est sur la passerelle à scruter au loin. C'est l'hiver ; la température cette nuit est descendue à 17°, heureusement que dans la journée, elle remontera jusqu'à 25°. Pour les marins de corvée de lavage du pont constatent en puisant de l'eau de l'océan qu'elle est chaude. Elle doit certainement atteindre les 22 à 24°.

 

Des oiseaux de terre accompagnent maintenant la Vierge de Grâce. Nous sommes par 19°58' de latitude sud et de 57°18' de longitude est (méridien de Paris). L'île de France doit être proche. Des paris s'organisent pour déterminer qui découvrira le premier cette île française depuis seulement neuf ans. En effet, les Portugais qui l'appelaient, île Maurice, la possédait depuis 1598, l'ont abandonnée vers 1708 pour aller s'établir au Cap de Bonne Espérance. Elle était devenue totalement inhabitée jusqu'à la prise de possession le 20 septembre 1715 au nom du roi Louis XV par le sieur Guillaume Dufresne, le capitaine du Chasseur, qui planta sur les rives désertes le drapeau fleur de lysé. Bientôt s'offre aux regards une île pratiquement ronde et petite, pas plus de dix sept lieues de long sur quatorze de large, soit 1865 km2

 

Le tour de l'île ne dépasse pas les quatre vingt lieues On devine un relief peu accidenté et des altitudes ne dépassant pas 600 m avec un grand plateau central d'une hauteur de 400 à 600 m. Le point culminant est situé à 828 m et porte le nom de Piton de la Rivière Noire.Enfin ! Lundi 17 juillet, la Vierge de Grâce jette l'ancre. Une immense barrière de corail ceint l'île, et protège de superbes lagons et plages bordées de cocotiers et de filaos. Il faut attendre l'arrivée du Duc de Chartres, et prendre les instructions du commandant général de la flotte, le capitaine Renault des Bois-Clairs. Comme le Duc de Chartres est fort lourd avec ses 900 tonneaux, 42 canons et 205 hommes d'équipage, il est beaucoup moins rapide que la Vierge de Grâce. Il faudra l'attendre pendant un long mois. L'Hercule, après avoir séjourné face au Portugal entre le 24 mars et le 29 avril, est signalé le 3 novembre au Brésil dans l'immense Baia de Todos os Santos, autrement dit, la Baie de Tous les Saints, car découverte un premier novembre. Il arrivera le mercredi 27 décembre.

Ordre est donné à la Vierge de Grâce de prendre à son bord des passagers de marque, ayant voyagé sur le Duc de Chartres. Il s'agit du sieur Elie Dioré (1), chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, capitaine de cavalerie, de sa tendre épouse Henriette, et de son beau-frère, Jacques Juppin de la Fondaumière, enseigne en pieds, qui lui sert de secrétaire particulier. Ils ont reçu comme instruction du gouverneur de rejoindre très rapidement l'Isle Bourbon.

 

Bourbon, "l'île la plus plaisante et la plus saine de toutes les Indes ", est une petite île de 2512 km située par 20°51'43'' de latitude sud et par 53°10' de longitude est du méridien de Paris. Sa plus grande longueur est de seize lieues, sa plus grande largeur d'une dizaine de lieues, sa circonférence, en suivant la route de ceinture est de plus de cinquante lieues. Alors que l'Îsle de France se perd dans l'espace océanique, Bourbon grâce à ses hauts sommets : les Salazes (2132 m), le Cimendef (2228 m), le Grand Bénare (2898m), et le Piton des Neiges, culminant à 3070 m, en plein océan, la vigie, avec sa longue vue l'aperçoit alors facilement et de loin. 

Il est plus facile d'atteindre Bourbon par le Sud, mais grande question, va t'on jeter l'ancre, dans la baie de Saint-Paul, à la Grande Chaloupe, ou, dans la baie de Saint Denis ! Grâce à une mer calme et des vents favorables, la frégate arrivera à Saint-Paul en seulement deux jours de navigation, le 12 septembre. Il est fort bien connu qu'en sens inverse, les vents qui soufflent rendent le trajet long et pénible. Le voyage peut durer de deux à quatre semaines, en tirant des bords, selon l'importance de la voilure des navires et la lourdeur de leur coque.

 

Chacun s'attend à bénéficier d'une longue période de repos et de partager l'enthousiasme  exprimé trente trois ans plus tôt par François Leguat et ses compagnons en avril 1691 (2) :

 

"…De l'endroit où nous arrêtâmes pour jeter les yeux quelques moments sur cet admirable pays, nous en découvrîmes les diverses beautés ... Et nous pouvions discerner l'agréable mélange de bois, de ruisseaux et de plaines émaillées d'une ravissante verdure. Si notre vue était parfaitement satisfaite, notre odorat ne l'était pas moins, car l'air était parfumé d'une odeur charmante qui venait de l'île et qui s'exhalait en partie des citronniers et des orangers qui y sont en grande abondance ".

 

Le temps de repos sera bref, et dés le 23 septembre, le gouverneur Desforges Boucher donne l'ordre au Chevalier de Pardaillan d'aller immédiatement à l'île Sainte-Marie, au nord est de Madagascar et lui confie une double mission :

 

-Porter une promesse d'amnistie aux deux pirates la Buse, et William Bohony .

 

-Ramener une grande quantité de noirs afin de faire face à un manque cruel de main d'œuvre dans les concessions agricoles de Saint-Denis et de Sainte-Suzanne. La Vierge de Grâce sera de retour, mission accomplie, deux mois et demi plus tard, toutes les cales pleines à ras bord.

 

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   (1) Il remplacera en décembre 1725, suite à son décès, le gouverneur Antoine Desforges Boucher, mais il ne laissera pas un excellent souvenir, car son nom est associé à la chute des cours du café.     

 

   (2) Voyage et aventures de François Leguat et de ses compagnons en deux îles désertes des Indes  Orientales (1690-1698). S'agit-il d'un roman ou d'une histoire vraie ? Le débat est toujours ouvert.

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